Évaluation des risques professionnels dans les data centers : enjeux réglementaires et responsabilités juridiques
- Marc Duvollet
- 24 août
- 13 min de lecture
Introduction
L'expansion fulgurante de l'économie numérique a propulsé les data centers au cœur des infrastructures critiques nationales. Ces installations, qui hébergent et traitent des volumes considérables de données, présentent des spécificités techniques et des risques professionnels qui nécessitent une approche d'évaluation des risques particulièrement rigoureuse. Selon l'enquête d'Interop, 52% des travailleurs cadres en data centers ont eu connaissance d'un accident humain au moins, et 14 % témoignent de 4 accidents ou plus, révélant l'ampleur des enjeux de sécurité dans ce secteur.
Face à une réglementation en évolution constante et à l'émergence de nouvelles technologies, les dirigeants d'entreprise, responsables des ressources humaines et chargés de prévention doivent maîtriser les spécificités de l'évaluation des risques dans ces environnements techniques complexes. Cet article examine les fondements réglementaires, les risques spécifiques, les classifications applicables et les responsabilités juridiques inhérentes à l'exploitation des data centers.

I. Cadre réglementaire et normatif des data centers
1.1. Obligations générales du Code du travail
L'article L. 4121-1 du Code du travail impose à l'employeur une obligation générale de sécurité : "L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs." Cette obligation se décline spécifiquement dans le contexte des data centers par plusieurs dispositions :
Évaluation des risques : L'article R. 4121-1 impose la transcription des résultats de l'évaluation des risques dans un document unique, particulièrement critique dans les data centers compte tenu de la diversité et de la complexité des risques présents.
Formation et information : L'article L. 4141-1 oblige l'employeur à organiser une formation pratique et appropriée en matière de sécurité, incluant les risques spécifiques aux environnements techniques des data centers.
Équipements de protection individuelle : L'article R. 4321-1 et suivants encadrent la fourniture d'EPI adaptés aux risques électriques, chimiques et physiques présents dans ces installations.
1.2. Spécificités du Code de la construction et de l'habitation
Le Code de la construction et de l'habitation (CCH) s'applique différemment selon que le data center est construit spécifiquement ou intégré dans un bâtiment existant :
Constructions spécifiques : L'article R. 111-2 du CCH impose le respect des règles de sécurité contre l'incendie, particulièrement critiques dans les data centers compte tenu des charges calorifiques importantes et des systèmes d'extinction spécialisés.
Intégration en bâtiment existant : Les articles R. 143-2 et suivants encadrent les modifications d'usage, souvent nécessaires lors de l'installation d'un data center dans un bâtiment non conçu initialement à cet effet.
Accessibilité et évacuation : Les dispositions relatives à l'accessibilité (articles R. 111-19 et suivants) doivent être adaptées aux contraintes de sécurité spécifiques des data centers.

1.3. Norme EN 50600 et référentiels techniques
La norme EN 50600 est une norme européenne pour les data centers qui utilise une approche holistique pour fournir des spécifications complètes pour la planification, la construction et l'exploitation des data centers. Elle définit quatre parties principales :
EN 50600-1 : Concepts généraux et exigences pour les centres de données
EN 50600-2 : Infrastructure du bâtiment (mécanique et électrique)
EN 50600-3 : Planification et installation de l'infrastructure de télécommunications
EN 50600-4 : Surveillance de l'environnement et contrôle de l'infrastructure
Cette norme s'articule avec les obligations du Code du travail en précisant les exigences techniques nécessaires au respect de l'obligation générale de sécurité de l'employeur.
II. Classification des data centers et obligations différenciées
2.1. Classification par taille et impact réglementaire
Les obligations réglementaires varient significativement selon la taille et la capacité des installations :
Micro data centers (< 40 kW) : Généralement non soumis aux régimes ICPE, ces installations relèvent uniquement du droit commun du Code du travail. L'évaluation des risques doit néanmoins couvrir les risques électriques, thermiques et d'incendie spécifiques.
Data centers d'entreprise (40 kW - 1 MW) : Ces installations peuvent être soumises au régime de déclaration ICPE selon la rubrique 2910 (combustion) si leur puissance thermique dépasse 2 MW. L'évaluation des risques doit intégrer les obligations spécifiques de cette classification.
Hyperscale data centers (> 1 MW) : Selon la taille et la nature des éléments installés pour un projet Data Center, il est important de vérifier si cette nouvelle installation rentre dans la catégorie des installations classées au titre de l'ICPE. Ces installations sont généralement soumises à autorisation ICPE et peuvent relever de la directive Seveso III.
2.2. Régime ICPE et évaluation des risques
Rubrique 2910 : Combustion (groupes électrogènes de secours)
Déclaration : puissance thermique entre 2 et 20 MW
Autorisation : puissance thermique > 20 MW
Rubrique 1432 : Stockage d'accumulateurs (batteries de sauvegarde)
Déclaration : masse d'équivalent plomb entre 50 kg et 250 tonnes
Autorisation : masse d'équivalent plomb > 250 tonnes
Impact sur l'évaluation des risques : Le régime ICPE impose des études de dangers spécifiques et des plans d'opération interne (POI) qui doivent être intégrés dans l'évaluation globale des risques professionnels.
2.3. Directive Seveso III et substances dangereuses
Les data centers peuvent être concernés par la directive Seveso III en cas de stockage de substances dangereuses au-delà des seuils réglementaires :
Batteries au plomb : Seuil bas 250 tonnes, seuil haut 2 500 tonnes (rubrique P5c) Gaz d'extinction (FM-200, Novec 1230) : Classification selon les quantités stockées Gasoil des groupes électrogènes : Seuil selon la rubrique P2 (liquides inflammables)
L'application de cette directive impose des obligations renforcées en matière de prévention des accidents majeurs et d'évaluation des risques sur l'environnement et les populations.

III. Risques spécifiques aux data centers
3.1. Risques électriques : particularités et prévention
Les data centers présentent des risques électriques spécifiques liés à leurs caractéristiques techniques :
Haute tension et forte puissance : Les installations peuvent comporter des équipements haute tension (HT) et très haute tension (THT), nécessitant des habilitations électriques spécifiques (H1, H2, HC).
Continuité de service : L'obligation de maintenir la continuité électrique limite les possibilités de consignation, imposant des procédures de travail sous tension ou au voisinage.
Systèmes redondants : La présence de multiples sources d'alimentation (réseau, onduleurs, groupes électrogènes) complexifie les procédures de consignation et multiplie les risques d'erreur.
Batteries de stockage : L'habilitation électrique BR permet à son titulaire de consigner une partie d'installation pour son propre compte ou pour un exécutant sous ses ordres. Les importantes capacités de stockage (plusieurs MWh) présentent des risques d'explosion, d'incendie et de dégagement gazeux.

3.2. Risques d'incendie : spécificités techniques
Charge calorifique élevée : La densité d'équipements électroniques génère des charges calorifiques importantes, accélérant la propagation du feu.
Systèmes d'extinction automatique : Les gaz d'extinction (Argonite, FM-200, Novec 1230) présentent des risques d'asphyxie et nécessitent des procédures d'évacuation spécifiques.
Continuité de service : L'obligation de maintenir les services critiques limite les possibilités d'intervention des sapeurs-pompiers, nécessitant des protocoles d'intervention adaptés.
Propagation par les chemins de câbles : L'importante densité de câblage facilite la propagation du feu et des fumées toxiques.

3.3. Risques chimiques : batteries et fluides frigorigènes
Électrolyte des batteries : Les batteries au plomb-acide contiennent de l'acide sulfurique concentré, présentant des risques de brûlures chimiques et de projection.
Émanations gazeuses : La surcharge ou le dysfonctionnement des batteries peut générer des dégagements d'hydrogène (risque d'explosion) et d'hydrogène sulfuré (toxicité).
Fluides frigorigènes : Les systèmes de refroidissement utilisent des fluides frigorigènes (R134a, R410A, NH3) présentant des risques de toxicité et d'asphyxie.
Produits d'entretien : Les solvants et dégraissants utilisés pour l'entretien des équipements présentent des risques chimiques spécifiques.
3.4. Risques ergonomiques et organisationnels
Manutention : L'installation et la maintenance des serveurs (jusqu'à 40 kg par unité) exposent aux troubles musculo-squelettiques.
Espaces contraints : La circulation dans les allées techniques étroites et les travaux en sous-plancher présentent des risques de chutes et de coincement.
Ambiance thermique : Les variations de température entre les zones chaudes et froides (écarts de 15-20°C) exposent aux risques de choc thermique.
Bruit : Le niveau sonore des systèmes de ventilation (souvent > 85 dB(A)) nécessite des protections auditives et limite les communications, particulièrement dans les datacenter qui hebergent des GPU.

IV. Risques émergents liés aux nouvelles technologies
4.1. Refroidissement liquide et risques associés
L'évolution vers des densités de puissance plus élevées conduit au développement du refroidissement liquide :
Risques de fuite : Les circuits de refroidissement liquide au contact des équipements électriques présentent des risques d'électrocution et de court-circuit.
Pression et température : Les systèmes à immersion totale nécessitent des fluides diélectriques spéciaux présentant de nouveaux risques chimiques.
Maintenance complexifiée : Les interventions sur ces systèmes nécessitent des compétences multiples (électricité, plomberie, chimie) et des équipements de protection spécifiques.
4.2. Intelligence artificielle embarquée et cybersécurité physique
L'intégration de systèmes d'IA dans la gestion des data centers génère de nouveaux risques :
Faux positifs/négatifs : Les systèmes automatisés peuvent générer des alarmes intempestives ou masquer de véritables dangers, perturbant les procédures d'urgence.
Cybersécurité physique : Les attaques informatiques peuvent compromettre les systèmes de sécurité physique (contrôle d'accès, extinction incendie, ventilation).
Maintenance prédictive : La dépendance aux algorithmes de maintenance prédictive peut conduire à sous-estimer certains risques non détectés par les capteurs.
4.3. Stockage d'énergie à grande échelle
Le développement du stockage par batteries Li-ion haute capacité introduit de nouveaux risques :
Emballement thermique : Les batteries Li-ion peuvent subir un emballement thermique (thermal runaway) difficile à maîtriser et générant des gaz toxiques.
Systèmes de suppression spécifiques : Ces risques nécessitent des systèmes d'extinction adaptés (eau avec additifs, aérosols) différents des systèmes traditionnels.
Recyclage et fin de vie : La gestion des déchets de batteries Li-ion usagées présente des risques environnementaux et de sécurité spécifiques.
V. Risques psychosociaux spécifiques aux data centers
5.1. Contraintes d'environnement de travail
Ambiance sonore : Dans les environnements de datacenters à haut niveau de disponibilité et de continuité de service d'aujourd'hui, la moindre panne a un coût et souvent des conséquences sur l'image de la société. Le bruit permanent des systèmes de refroidissement (ventilateurs, groupes frigorifiques) génère une fatigue auditive et limite les interactions sociales.
Luminosité artificielle : L'éclairage permanent et artificiel perturbe les rythmes circadiens, particulièrement pour les équipes de nuit.
Espaces clos : Le travail dans des environnements techniques sans ouverture sur l'extérieur peut générer des phobies et de l'anxiété.
Température et humidité contrôlées : L'air conditionné permanent peut provoquer des troubles respiratoires et une sensation d'enfermement.

5.2. Organisation du travail et contraintes temporelles
Astreintes et permanence : La continuité de service 24h/24, 365 jours/an impose des contraintes d'astreinte permanente générant stress et fatigue.
Pression temporelle : Les interventions d'urgence pour maintenir la disponibilité des services créent une pression constante sur les équipes.
Isolement professionnel : Le travail souvent solitaire, notamment en équipe de nuit, peut conduire à l'isolement social et professionnel.
Responsabilité élevée : La conscience que leurs actions peuvent affecter des millions d'utilisateurs génère un stress professionnel important.
5.3. Formation et évolution technologique
Obsolescence rapide des compétences : L'évolution technologique permanente nécessite une formation continue intensive, source de stress pour certains salariés.
Polyvalence exigée : La nécessité de maîtriser des domaines techniques variés (électricité, informatique, climatisation, sécurité) peut générer un sentiment d'incompétence.
Certification permanente : L'obligation de maintenir de nombreuses certifications (habilitations électriques, CACES, formations sécurité) ajoute une charge mentale supplémentaire
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VI. Maintenance et intervention des entreprises extérieures
6.1. Plan de prévention : obligations spécifiques
L'intervention d'entreprises extérieures dans les data centers nécessite une attention particulière compte tenu des risques d'interférence :
Article R. 4512-6 du Code du travail : La démarche de prévention des risques d'interférence doit être mise en œuvre avant l'intervention de l'entreprise extérieure. Cette obligation est particulièrement critique dans les data centers où coexistent de multiples risques.
Analyse des risques d'interférence : Le plan de prévention doit identifier les risques spécifiques résultant de la coactivité dans un environnement technique contraint :
Risques électriques amplifiés par la présence simultanée de plusieurs intervenants
Risques d'interruption de service par méconnaissance des procédures
Risques chimiques liés à l'utilisation simultanée de produits incompatibles
Mesures de coordination : Le plan doit définir les modalités de coordination entre l'entreprise utilisatrice et les entreprises extérieures, incluant :
Les procédures de consignation et de déconsignation
Les moyens de communication d'urgence
Les protocoles d'évacuation spécifiques au data center
6.2. Habilitations électriques et formations spécialisées
Habilitations requises : Habilitation électrique (B1V, B2V), Caces hauteur sont souvent nécessaires pour les interventions en data center. Les niveaux d'habilitation doivent être adaptés aux tensions présentes :
Basse tension (BT) : habilitations B1, B2, BR, BC
Haute tension (HT) : habilitations H1, H2, HR, HC selon les installations
Formations complémentaires : Au-delà des habilitations réglementaires, des formations spécifiques sont nécessaires :
Procédures d'urgence et d'évacuation du data center
Manipulation des systèmes d'extinction automatique
Protocoles de sécurité liés aux batteries et systèmes de stockage
Procédures de travail en espaces confinés

6.3. Espaces confinés et travail en hauteur
Identification des espaces confinés : Les data centers comportent de nombreux espaces confinés nécessitant des procédures spécifiques :
Sous-planchers techniques avec circulation d'air de refroidissement
Locaux techniques de batteries avec risques de dégagement gazeux
Gaines techniques et passages de câbles
Procédures d'intervention : L'article R. 4412-27 du Code du travail impose des mesures spécifiques pour le travail en espaces confinés :
Surveillance permanente depuis l'extérieur
Moyens de communication spécifiques
Équipements de protection respiratoire adaptés
Procédures de sauvetage et d'évacuation
Travail en hauteur : Les interventions sur les chemins de câbles, éclairages et systèmes de ventilation nécessitent des équipements de protection individuelle contre les chutes et des CACES PEMP.
VII. Responsabilité juridique et jurisprudence
7.1. Responsabilité pénale en cas d'accident
La responsabilité pénale du dirigeant peut être engagée en cas d'accident dans un data center selon plusieurs qualifications :
Homicide ou blessures involontaires (articles 221-6 et 222-19 du Code pénal) : En cas d'accident mortel ou avec blessures résultant d'un défaut d'évaluation des risques ou de mise en œuvre des mesures de prévention.
Mise en danger délibérée (article 223-1 du Code pénal) : Le défaut d'évaluation des risques spécifiques aux data centers peut constituer une exposition d'autrui à un risque immédiat de mort ou d'infirmités graves.
Non-respect des obligations de sécurité : Les infractions aux dispositions du Code du travail en matière d'évaluation des risques constituent des contraventions de 5ème classe.

7.2. Faute inexcusable de l'employeur
La faute inexcusable de l'employeur correspond au manquement de ce dernier à son obligation de sécurité de résultat, notamment révélé par un accident du travail ou une maladie professionnelle. L'employeur aurait dû avoir conscience d'un danger et n'a pas pris les mesures nécessaires pour le prévenir.
Dans le contexte des data centers, la faute inexcusable peut être retenue dans plusieurs situations :
Défaut d'évaluation des risques électriques : L'absence de prise en compte des risques liés aux hautes tensions et aux systèmes redondants.
Formation insuffisante : Le défaut de formation du personnel aux spécificités des data centers (procédures d'urgence, manipulation des systèmes d'extinction).
Maintenance défaillante : L'absence de maintenance préventive des équipements critiques (batteries, systèmes de refroidissement, équipements électriques).
7.3. Évolution jurisprudentielle récente
L'arrêt de 2018 a marqué un tournant dans la répression des manquements industriels. La jurisprudence confirme la lourde responsabilité des employeurs dans les accidents mortels. Les juges rappellent que la conscience du danger suffit à retenir la faute inexcusable.
Cette évolution jurisprudentielle impacte particulièrement les data centers où :
La complexité technique ne constitue pas une excuse : La méconnaissance des risques spécifiques n'exonère pas l'employeur de sa responsabilité.
L'obligation de formation est renforcée : Les juges sont de plus en plus exigeants sur la qualité et l'adaptation de la formation aux risques réels.
La sous-traitance n'exonère pas : La délégation de certaines activités à des entreprises extérieures n'exonère pas l'employeur de son obligation d'évaluation et de coordination des risques.
VIII. Recommandations pratiques pour l'évaluation des risques
8.1. Méthodologie d'évaluation spécifique
Approche par zones : L'évaluation doit être structurée par zones fonctionnelles :
Zones de production informatique (salles serveurs)
Zones techniques (alimentations, refroidissement)
Zones de stockage (batteries, combustibles)
Zones d'accueil et administratives
Analyse des postes de travail : Chaque poste doit faire l'objet d'une analyse spécifique :
Technicien de maintenance (exposition multi-risques)
Opérateur de supervision (risques psychosociaux)
Agent de sécurité (risques d'intervention d'urgence)
Personnel administratif (risques liés à l'environnement)
Prise en compte des situations dégradées : L'évaluation doit intégrer les situations d'urgence et de panne :
Interventions sur alimentation de secours
Évacuation en cas d'activation des systèmes d'extinction
Travail en éclairage de sécurité
8.2. Outils et indicateurs de suivi
Indicateurs de sécurité spécifiques :
Taux de fréquence des accidents électriques
Nombre d'interventions d'urgence
Durée moyenne d'exposition au bruit
Nombre de fausses alarmes d'extinction
Traçabilité des habilitations : Mise en place d'un système de suivi des habilitations électriques, CACES et formations spécialisées avec alertes de renouvellement.
Audit périodique : Organisation d'audits internes et externes réguliers couvrant :
Conformité des installations aux normes EN 50600
Efficacité des procédures d'urgence
Adequation des formations aux évolutions technologiques
8.3. Plan d'actions et amélioration continue
Priorisation des actions : Utilisation de matrices de criticité adaptées aux spécificités des data centers :
Probabilité d'occurrence × Gravité × Impact sur la continuité de service
Prise en compte des délais d'intervention des secours extérieurs
Évaluation des effets dominos (panne électrique → défaillance refroidissement → surchauffe)
Veille technologique : Organisation d'une veille permanente sur :
Évolution des technologies de refroidissement et stockage
Nouveaux référentiels de sécurité sectoriels
Retour d'expérience d'accidents dans le secteur
Formation continue : Mise en place de programmes de formation adaptés :
Formation initiale renforcée pour les nouveaux arrivants
Recyclage périodique sur les évolutions technologiques
Exercices pratiques réguliers d'évacuation et d'intervention d'urgence

IX. Perspectives d'évolution réglementaire
9.1. Impact de la directive européenne sur l'efficacité énergétique
La directive européenne 2018/2002 sur l'efficacité énergétique impacte les data centers par l'obligation de récupération de chaleur fatale, générant de nouveaux risques :
Systèmes de récupération de chaleur : Installation de circuits d'eau chaude présentant des risques de fuite et de brûlure.
Cogénération : Développement de systèmes de production combinée électricité-chaleur présentant des risques industriels spécifiques.
Stockage thermique : Utilisation de matériaux à changement de phase présentant de nouveaux risques chimiques.
9.2. Évolution de la norme EN 50600
L'énergie et la viabilité environnementale sont des éléments centraux de la norme EN 50600. Les révisions en cours intègrent :
Critères de durabilité : Prise en compte du cycle de vie des équipements dans l'évaluation des risques.
Résilience climatique : Adaptation aux événements climatiques extrêmes (canicules, inondations).
Cybersécurité physique : Intégration des risques de cyberattaques sur les infrastructures physiques.
9.3. Réglementation REACH et substances chimiques
L'évolution de la réglementation REACH impacte les data centers par :
Restriction sur les fluides frigorigènes : Évolution vers des fluides naturels (CO₂, NH₃) présentant de nouveaux risques.
Batteries sans métaux lourds : Développement de nouvelles technologies de stockage avec de nouveaux profils de risque.
Matériaux d'isolation : Restrictions sur certains matériaux isolants utilisés dans les équipements électriques.

Conclusion
L'évaluation des risques dans les data centers constitue un défi majeur pour les employeurs compte tenu de la multiplicité et de la spécificité des risques présents dans ces environnements techniques complexes. La convergence entre les obligations générales du Code du travail, les exigences spécifiques du Code de la construction et de l'habitation, et les référentiels techniques comme la norme EN 50600 nécessite une approche méthodologique rigoureuse et adaptée.
L'évolution technologique permanente du secteur, l'émergence de nouveaux risques liés aux technologies de refroidissement liquide et de stockage d'énergie, ainsi que le renforcement de la jurisprudence en matière de responsabilité patronale, rendent indispensable une maîtrise parfaite de ces enjeux par les dirigeants et leurs équipes de prévention.
Au-delà de la simple conformité réglementaire, une évaluation des risques efficace dans les data centers participe à la protection des personnes, contribue à la continuité de service et peut constituer un avantage concurrentiel dans un secteur où la fiabilité et la sécurité sont des critères déterminants pour les clients.
Face à la complexité croissante de ces installations et aux enjeux économiques et juridiques considérables, l'accompagnement par des experts spécialisés en sécurité industrielle et data centers, ainsi que la mise en place d'une démarche d'amélioration continue basée sur le retour d'expérience sectoriel, apparaissent comme des investissements indispensables pour tout exploitant soucieux de maîtriser ces risques émergents.
La révolution numérique en cours ne fait qu'amplifier ces enjeux, rendant plus que jamais nécessaire une approche proactive et anticipatrice de la prévention des risques professionnels dans ces infrastructures critiques de l'économie digitale.




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