Prévention des risques dans les carrières de granulats, les cimenteries, et les centrales à béton
- Marc Duvollet
- 18 oct.
- 5 min de lecture
I. Introduction – Des milieux industriels au cœur du risque
Les carrières, cimenteries et centrales à béton forment la base de toute la filière du BTP. Ces sites, essentiels à la production de matériaux de construction, concentrent cependant de nombreux risques professionnels : poussières, bruit, manutentions, engins, produits chimiques, chaleur…D’après les données de la CARSAT et de l’INRS, le taux de fréquence des accidents du travail y dépasse régulièrement la moyenne industrielle, notamment dans les carrières où les manutentions et la circulation d’engins sont en cause dans près d’un accident sur trois.
Au-delà des traumatismes, la santé à long terme des travailleurs est menacée par l’exposition chronique aux poussières de silice et de ciment, responsables de pathologies respiratoires et cutanées parfois graves. Cet article, inspiré des recommandations de l’INRS, de l’OPPBTP et de la CARSAT, vise à donner une vision claire et concrète des risques et des bonnes pratiques de prévention à adopter.
II. Les carrières de granulats : extraction et risques multiples
Activités et environnement
Les carrières produisent des granulats par extraction, concassage, criblage et transport. Les opérations se déroulent en extérieur, souvent avec une coactivité importante entre engins et piétons.
Principaux risques
Risques mécaniques : chutes de hauteur, heurts, écrasements par engins.
Risques physiques : bruit jusqu’à 110 dB(A), vibrations main-bras et corps entier.
Risques chimiques : inhalation de poussières de silice cristalline (classée cancérogène avéré, Groupe 1 CIRC).
Risques liés à la circulation : coactivité engins/piétons, basculement d’engins.
Selon la CARSAT, les accidents liés aux engins de manutention représentent plus de 25 % des accidents graves en carrière. L’INRS estime qu’un salarié exposé à la silice cristalline sans protection adaptée risque, à long terme, des affections pulmonaires irréversibles (silicose, bronchites chroniques).
Mesures de prévention
EPC :
Arrosage des pistes et convoyeurs pour limiter les poussières.
Captation des émissions aux points de chute.
Signalisation et balisage des voies de circulation.
Garde-corps et planchers antidérapants.
EPI :
Casque EN 397 (Casques de protection pour l'industrie)
Masque FFP3 EN 149 pour la silice.
Lunettes ou visière EN 166 (Protection individuelle de l'œil - Spécifications)
Chaussures S3 EN ISO 20345.
Bouchons d’oreilles EN 352 (Protecteurs individuels contre le bruit)

III. Les cimenteries : la chimie à haute température
Processus industriel
Le ciment est obtenu à partir de calcaire et d’argile, chauffés à plus de 1 400 °C pour produire le clinker, ensuite broyé avec du gypse et des additifs. Ces sites combinent des risques thermiques, chimiques et mécaniques.
Risques spécifiques
Chimiques : exposition à la poussière de clinker, à la silice cristalline, aux alcalins et oxydes de calcium.
Thermiques : chaleur rayonnante des fours et brûlures.
Physiques : bruit élevé (jusqu’à 105 dB(A)), manutentions lourdes, vibrations.
Incendie et explosion : liées aux combustibles alternatifs et aux poussières combustibles.
L’INRS (ED 6264) rappelle que la silice cristalline inhalée provoque, outre la silicose, une augmentation du risque de cancer pulmonaire. La VLEP réglementaire est de 0,1 mg/m³ (8 h).
Mesures de prévention
EPC :
Confinement des installations et ventilation localisée.
Aspiration à la source et filtration des gaz.
Détection automatique d’incendie.
EPI :
Masques FFP3 ou demi-masques à cartouches P3.
Gants chimiques EN 374.
Lunettes ou visières EN 166 (Protection individuelle de l'œil - Spécifications)
Vêtements ignifugés EN ISO 11612 (exigences de performance des vêtements de protection chaleur et flammes)
Casques antibruit EN 352 (Protecteurs individuels contre le bruit)
Bonnes pratiques :
Contrôles réguliers de la VLEP.
Nettoyage humide, jamais à sec.
Consignation stricte avant toute maintenance.

IV. Les centrales à béton : un environnement confiné et dynamique
Processus et risques
Les centrales à béton dosent, malaxent et livrent des bétons prêts à l’emploi. Les opérations combinent manutentions, nettoyage, maintenance et exposition aux adjuvants chimiques.
Risques principaux
Chimiques : ciment, adjuvants (plastifiants, retardateurs), huiles de décoffrage, agents acides de nettoyage.
Cutaneo-irritatifs : ciment à pH > 12, contenant souvent du chrome VI.
Physiques : bruit, chutes, manutentions.
Poussières fines : inhalation lors du malaxage et du nettoyage des silos.
Selon l’INRS, près de 30 % des travailleurs du béton présentent des irritations cutanées liées au ciment. Le contact prolongé avec la peau humide ou la laitance peut entraîner brûlures chimiques et eczéma chronique.
Mesures de prévention
EPC :
Ventilation des silos et malaxeurs.
Captation des poussières sur les trémies.
Nettoyage humide et aspiration.
Stockage fermé des adjuvants.
EPI :
Gants étanches EN 374 et manchettes.
Combinaison imperméable EN 14605 (exigences de performance pour les vêtements de protection contre les produits chimiques liquides)
Bottes S5 EN ISO 20345.
Lunettes/visière EN 166 (Protection individuelle de l'œil - Spécifications)
Masque FFP3 pour poussières sèches.
Bonnes pratiques :
Ne jamais laver les mains au solvant, préférer un savon doux.
Nettoyer immédiatement les éclaboussures.
Changer les gants en cas de percement.
Entretenir la ventilation et les filtres.

V. Les bonnes pratiques transversales de prévention
1. Culture sécurité
Instaurer une culture partagée de la sécurité est essentiel. Les causeries sécurité, le retour d’expérience et les formations pratiques permettent de consolider les bons réflexes : port des EPI, signalement des anomalies, respect des procédures. Nos consultants peuvent vous aider à mettre en place une culture sécurité robuste, quelle que soit la taille de votre entreprise.
2. Formation et sensibilisation
L’OPPBTP recommande des sessions courtes, fréquentes, orientées gestes métiers : manutention, circulation, prévention des chutes et risques chimiques.
3. Coactivité et sous-traitance
Les interventions d’entreprises extérieures exigent un plan de prévention et une coordination HSE rigoureuse (Code du travail, art. R4512-6).Chaque intervenant doit connaître les risques du site et les règles locales (circulation, zones confinées, consignation). Voir notre article sur le sujet. Nous pouvons former vos équipes à la réalisation des inspections préalables communes et à la rédaction des plans de prévention et protocoles de sécurité.
4. Suivi des expositions
Mise à jour du DUERP (Document unique d’évaluation des risques). Nous pouvons former vos équipes à la réalisation ou à la mise à jour de ce document ou vous mettre à disposition l'un de nos consultant pur créer ou réviser ce document.
Traçabilité via fiches d’exposition et FDS.
Contrôles réguliers des niveaux de poussières et de bruit.
5. Soutien des organismes de prévention
L’INRS, l’OPPBTP et la CARSAT proposent :
Fiches pratiques (INRS ED 6005, OPPBTP 2023).
Formations au risque chimique et à la prévention du bruit (nous pouvons former vos équipes sur ces risques)
Aides financières pour la captation des poussières (subventions CARSAT).
VI. La médecine de prévention : un acteur clé
Cadre réglementaire
Les salariés exposés à la silice, au bruit > 85 dB(A) ou à des produits corrosifs relèvent du suivi individuel renforcé (SIR) (Code du travail R4624-22 à 28).
Rôle du médecin du travail
Réalise la visite médicale initiale avant affectation.
Assure un suivi périodique (tous les 2 à 4 ans).
Prescrit des examens complémentaires (spirométrie, radiographie, tests auditifs, surveillance cutanée).
Peut recommander un aménagement du poste ou une réorientation temporaire.
Collaboration interprofessionnelle
Le médecin du travail travaille avec l’employeur, le CSE et le référent sécurité pour adapter les mesures de prévention et suivre les pathologies professionnelles (silicose, dermatoses, hypoacousie, etc.).
VII. Conclusion – Une vigilance collective et durable
Carrières, cimenteries et centrales à béton présentent des environnements variés mais des risques convergents : poussières, bruit, manutentions et produits chimiques. La prévention repose sur une approche intégrée :
Technique (EPC et équipements modernes),
Individuelle (EPI adaptés et port systématique),
Organisationnelle (formation, coordination, suivi médical).
Au-delà des obligations légales, la culture sécurité doit devenir un réflexe collectif, porté par la hiérarchie, relayé par les équipes, et soutenu par la médecine de prévention.
VIII. Tableau de synthèse : principaux risques et mesures de prévention
Type de site | Risques majeurs | EPI / EPC recommandés (normes) | Bonnes pratiques clés |
Carrière | Silice, engins, bruit, chutes | Masque FFP3 EN 149, casque EN 397, bouchons EN 352, arrosage, signalisation | Nettoyage humide, voies séparées, entretien engins |
Cimenterie | Chaleur, silice, produits chimiques, bruit | Masque P3, gants EN 374, vêtements EN ISO 11612, ventilation, confinement | Consignation, contrôle VLEP, nettoyage humide |
Centrale à béton | Ciment, laitance, adjuvants, manutentions | Gants étanches EN 374, bottes S5, combinaison EN 14605, visière EN 166 | Lavage régulier, stockage clos, remplacement gants |




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