top of page
Rechercher

Exposition aux risques chimiques dans les activités de contrôle non destructif et d'évaluation de la corrosion en soudage : enjeux et stratégies de prévention

Dernière mise à jour : il y a 4 jours

Les procédés de contrôle non destructif (CND) et d'évaluation de la corrosion occupent une place prépondérante dans le maintien de l'intégrité des structures métalliques soudées, particulièrement dans des secteurs aussi exigeants que l'aéronautique, le nucléaire ou le génie maritime. Ces techniques, bien que fondamentales pour assurer la fiabilité des ouvrages, exposent les professionnels à une variété de risques chimiques dont l'impact sur la santé ne doit pas être sous-estimé.


L'utilisation récurrente de solvants organiques, d'agents révélateurs, de produits de développement et de substances corrosives engendre des expositions potentiellement nocives pour les opérateurs. Face à ces enjeux, le cadre réglementaire européen, notamment le Règlement REACH (CE n°1907/2006) et la directive 2004/37/CE relative aux agents cancérigènes et mutagènes, impose des obligations strictes en matière de gestion des risques chimiques. Au niveau national, le Code du travail français (articles R. 4412-1 et suivants) vient compléter ce dispositif en encadrant précisément l'évaluation et la prévention de ces risques professionnels.


1. Techniques de contrôle non destructif et méthodes d'évaluation de la corrosion : principes et applications industrielles


Méthodologies de contrôle non destructif


Les techniques de CND constituent un ensemble d'approches sophistiquées permettant de détecter les discontinuités matérielles sans altération de la pièce contrôlée. Leur classification repose sur des principes physiques distincts :


  • Radiographie industrielle (RT) : Cette méthode repose sur l'utilisation de rayonnements ionisants, qu'il s'agisse de rayons X générés par des appareils électriques ou de rayons gamma émis par des sources radioactives (iridium-192, cobalt-60). La directive 2013/59/Euratom fixe un cadre strict pour la protection contre les dangers des rayonnements ionisants, imposant notamment la délimitation de zones contrôlées et la mise en place d'une dosimétrie individuelle pour les personnels exposés.

  • Contrôle par ultrasons (UT) : Fondée sur la propagation et la réflexion d'ondes acoustiques de haute fréquence, cette technique nécessite l'emploi de couplants, généralement des gels à base de glycérine ou d'huiles spéciales, pouvant contenir des additifs potentiellement irritants pour la peau.

  • Magnétoscopie (MT) : Cette méthode fait appel à l'application d'un champ magnétique couplé à des particules ferromagnétiques, souvent en suspension dans des solvants pétroliers. Les risques d'inhalation de poussières fines sont régis par la norme EN ISO 10882 relative à l'exposition aux particules en milieu professionnel.


  • Examen par ressuage (PT) : Procédé en trois phases distinctes impliquant successivement le nettoyage de la surface, l'application d'un liquide pénétrant (coloré ou fluorescent) et sa révélation. Les solvants employés, fréquemment à base de toluène ou de xylène (substances classées CMR), ainsi que les formulations à base de trichloréthylène, soulèvent des problématiques sanitaires importantes.

Méthodes d'évaluation de la corrosion et essais destructifs


Les essais de corrosion visent à reproduire et quantifier les phénomènes de dégradation des matériaux dans des conditions contrôlées :


  • Essais en brouillard salin (norme ISO 9227) : Cette approche normative simule les conditions extrêmes des environnements marins au moyen de solutions salines pulvérisées. Bien qu'utilisant principalement du chlorure de sodium à 5%, ces essais présentent des risques de corrosion des équipements et d'irritation cutanée pour les opérateurs.

  • Techniques électrochimiques : Les méthodes de polarisation et les mesures de résistance à la corrosion impliquent l'utilisation d'électrolytes fréquemment acides (H₂SO₄, HCl) ou basiques (NaOH), nécessitant des précautions particulières de manipulation.


  • Examens métallographiques : La préparation des échantillons pour analyse microstructurale fait appel à des procédures de polissage utilisant des pâtes abrasives (alumine, diamant) et à des réactifs de révélation microstructurale (nital, picral) particulièrement corrosifs.


2. Substances chimiques dangereuses : identification et évaluation des risques


Les techniques de contrôle non destructif (CND) impliquent l'utilisation de divers produits chimiques présentant des dangers spécifiques selon les méthodes employées. Cette analyse propose une classification des principaux risques sanitaires en fonction des procédés et des voies d'exposition.


  1. Radiographie industrielle : Cette méthode utilise des sources radioactives (iridium 192, cobalt 60) générant un risque d'exposition externe aux rayonnements ionisants, nécessitant des mesures de radioprotection strictes conformément à la directive 2013/59/Euratom.


  2. Examen par ressuage : Cette technique trifonctionnelle emploie :

    - Des pénétrants à base de solvants aromatiques (toluène, xylène) classés toxiques pour la reproduction (catégorie 1B)

    - Des nettoyants contenant des composés chlorés (trichloréthylène, cancérogène avéré)

    - Des développeurs en poudre renfermant des silices amorphes


Les expositions professionnelles peuvent entraîner :

  • Par inhalation : troubles neurologiques et irritations des voies respiratoires

  • Par contact cutané : dermatites allergiques et dégraissage de l'épiderme

  • Par projection oculaire : lésions cornéennes sévères


    3. Contrôle par magnétoscopie : Cette méthode fait intervenir :

  • Des particules ferromagnétiques (oxyde de fer Fe3O4)

  • Des vecteurs hydrocarbonés (kérosène) ou aqueux


Les principaux dangers résident dans :

  • L'inhalation chronique de poussières fines (risque de pneumoconioses)

  • Les irritations cutanées dues aux additifs polymères


    4. Examen par ultrasons : Bien que moins dangereux, ce procédé utilise :

  • Des couplants à base de glycérine parfois additionnés de conservateurs (formaldéhyde)

  • Des solutions de nettoyage préalable alcalines ou solventées


Inventaire des principaux agents chimiques en CND


Le tableau suivant présente une synthèse des substances les plus couramment rencontrées :

Substance

Nature du risque

Classification (CLP)

VLEP (France)

Toluène

Neurotoxicité, reprotoxicité

H361d, H372

50 ppm (8h)

Xylène

Irritation, effets narcotiques

H226, H312, H332

50 ppm (8h)

Trichloréthylène

Cancérogénicité (cat. 1B)

H350

10 ppm (8h)

Perchloréthylène

Hépatotoxicité

H351

20 ppm (8h)

Analyse des voies d'exposition

Voie de contamination

Produits concernés

Effets immédiats

Conséquences à long terme

Inhalation

Solvants organiques, poussières

Irritations des muqueuses

Atteintes neurologiques, fibroses pulmonaires

Contact cutané

Acides, solvants

Brûlures chimiques, dermatites

Eczémas chroniques, sensibilisations

Ingestion accidentelle

Tous produits

Troubles gastro-intestinaux

Atteintes hépatiques et rénales

Projection oculaire

Liquides corrosifs

Conjonctivites aiguës

Troubles de la vision

Produits corrosifs dans les essais de soudage


Les inhibiteurs de corrosion contenant des chromates, bien qu'efficaces, posent des problèmes sanitaires majeurs. Leur utilisation est strictement encadrée par le règlement REACH (annexe XVII) et la directive RoHS (2011/65/UE), avec des restrictions d'emploi de plus en plus sévères.

Les acides minéraux (HCl, HNO₃, H₂SO₄), indispensables pour certains essais, requièrent des conditions de stockage particulières conformes à l'arrêté du 1er mars 2024 relatif au stockage des produits chimiques dangereux.


3. Stratégies de prévention : approche intégrée


Mesures d'ingénierie


La ventilation constitue la première ligne de défense contre les polluants chimiques. Les systèmes de captage à la source, conformes à la norme NF EN 1093, doivent être privilégiés. Pour les poussières, les installations de filtration répondant à la norme EN 149 s'imposent.

La substitution des substances les plus dangereuses représente une solution pérenne. Le remplacement du trichloréthylène par des alternatives moins toxiques (d-limonène) ou l'adoption de pénétrants aqueux moins volatils en témoignent.


Équipements de protection individuelle


La sélection des EPI doit reposer sur une analyse rigoureuse des risques :

  • Protection respiratoire : Les masques FFP3 (EN 149) pour les poussières et les appareils à cartouches (EN 140) pour les vapeurs organiques constituent des solutions adaptées.

  • Protection cutanée : Les gants en nitrile (EN 374-3) et les combinaisons de type 4 (EN 14605) offrent une barrière efficace contre les produits chimiques.


4. Surveillance médicale et gestion des expositions


Programme de suivi médical


La surveillance biologique doit inclure le dosage des métaux lourds dans les urines et des paramètres hématologiques pour les expositions au benzène. Les explorations fonctionnelles respiratoires s'imposent pour les personnels exposés aux poussières.


Gestion des situations d'urgence


Les installations doivent comporter des équipements de lavage oculaire et des douches de sécurité conformes à la norme ANSI/ISEA Z358.1. Les procédures d'intervention en cas d'exposition accidentelle doivent être régulièrement testées.


Conclusion


La maîtrise des risques chimiques dans les activités de CND et d'évaluation de la corrosion nécessite une approche systémique intégrant les dimensions techniques, organisationnelles et médicales. L'évolution réglementaire, notamment dans le cadre du règlement REACH, impose une vigilance constante quant à l'utilisation des substances chimiques.

Les perspectives de recherche devraient s'orienter vers le développement de méthodes alternatives moins dangereuses et l'amélioration des systèmes de protection collective. La formation continue des opérateurs reste un élément clé pour une prévention efficace des risques professionnels dans ce secteur

 
 
 

Comments


bottom of page